Que deviennent les produits lorsqu’ils n’ont pas trouvé d’acquéreur après les braderies, les soldes, les déstockages ou les ventes flash ? Ces stocks d’invendus sont malheureusement destinés à un funeste sort… Pourtant, une nouvelle disposition de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, promulguée le 10 février 2020, devrait changer la donne. Depuis le 1er janvier 2022, l’interdiction de détruire des invendus non alimentaires est entrée en vigueur. Que signifie ce décret et que modifie-t-il concrètement pour les entreprises ? Nous tâchons de comprendre cette mesure et ses conséquences dans cet article.

La loi anti-gaspillage instaure une interdiction de détruire les invendus non alimentaires.

Sommaire

Pourquoi cette mesure est-elle importante ?

La part moyenne des invendus en entreprise représente 3 % de leur chiffre d’affaires. Que deviennent donc ces marchandises ? 

  • 40 % partent en déstockage ;
  • 20 % font l’objet de dons aux associations, notamment celles de lutte contre la précarité ;
  • 27 % sont recyclés ;
  • 5 % finissent incinérés ;
  • 3 % sont réparés en vue d’une remise sur le marché ;
  • 2 % terminent enfouis.

Pour visualiser un peu plus concrètement l’importance des destructions, sachez qu’en France 10 000 à 20 000 tonnes de produits textiles sont détruits par an. À titre de comparaison, la tour Eiffel pèse le même poids.

L’obsolescence marketing, que ce soit le changement de gamme ou la fin de série, est la principale cause des invendus sur la majorité des secteurs non alimentaires (34 % selon l’Agence de la transition écologique). Ensuite, l’ADEME estime que la surproduction serait responsable de 28 % des invendus. Enfin, l’observation de défauts mineurs sur le produit conduit souvent à ne pas le commercialiser. Une autre cause croissante d’invendus repose sur les retours de produits liés au développement du e-commerce. Or, un retour de produit neuf augmente l’émission de CO2 ou les polluants qui résultent du transport des marchandises.

La destruction des invendus s’élève chaque année en France à 280 millions d’euros selon le site du gouvernement. Les principaux contributeurs sont :

  • le secteur textile, en raison particulièrement d’une saisonnalité forte des collections ;
  • le rayon hygiène et soins ;
  • l’électroménager à cause des pannes, des fins de série ou des défauts constatés sur les appareils.

La loi AGEC (anti-gaspillage et économie circulaire) définissait déjà par décret une liste de produits d’hygiène et de soins qui devaient être réemployés et non recyclés, ce qui explique un plus grand pourcentage de dons dans ce domaine (environ 67 %). Néanmoins, les différents acteurs peinent à traiter leurs invendus de manière vertueuse et solidaire. Face à ce constat, quels sont donc les apports des nouvelles dispositions de la loi anti-gaspillage ?

Les conséquences de la loi anti-gaspillage sur la supply chain.

Quel est le contenu de la loi anti-gaspillage ?

La loi anti-gaspillage et économie circulaire date de février 2020 et prévoyait l’application de différentes dispositions d’ici 2023. Ainsi, les mesures mises en application le 1er janvier 2022 portent sur l’interdiction d’éliminer des invendus non alimentaires. L’objectif annoncé est de « réemployer, réutiliser ou recycler » ces marchandises.

Quels produits sont concernés par ces mesures ?

  • le textile (vêtements et chaussures) ;
  • le mobilier ;
  • les appareils électriques et électroniques ;
  • les équipements de conservation et de cuisson des aliments ;
  • les cartouches d’encre ;
  • les livres et les fournitures scolaires
  • les produits d’éveil et de loisirs ;
  • les produits d’hygiène et de puériculture.

Que vont donc devenir ces produits s’ils ne peuvent plus être détruits ? Ils devront être réemployés, réutilisés ou recyclés. Comment ? En faisant par exemple l’objet d’un don à des associations caritatives pour les personnes en situation de précarité. Si ces dispositions ne sont pas respectées, la loi prévoit une amende jusqu’à 15 000 € par manquement et par personne morale en cas d’inspection de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).

Bien sûr, cette loi contient d’autres mesures qui s’appliquent au 1er janvier 2022 comme la mise en place d’un indice de réparabilité, l’interdiction du dépôt de flyers sur les voitures, la possibilité de retirer des médicaments à l’unité, l’arrêt de la distribution d’imprimés publicitaires ou la fin de l’impression de tickets de caisse et de carte bleue. Nous nous concentrerons sur l’interdiction de destruction des invendus non alimentaires dans cet article.

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Les invendus devront désormais êtreréutilisés, recyclés ou donnés.

Quelles sont les alternatives à la destruction des invendus non alimentaires ?

Les solutions pour réduire le gaspillage se résument en trois propositions : réutiliser, recycler ou donner. La première option repose sur l’allongement de la durée de vie d’un produit grâce à son réemploi ou à sa réparation. Nous avons constaté précédemment que les défauts mineurs de marchandises empêchent la commercialisation de ces appareils, alors même qu’ils sont fonctionnels. Ainsi, la réparation des dommages peut agir sur les pannes ou les dysfonctionnements légers, ce qui diminue les stocks d’invendus. 

Lorsque la réparation n’est pas applicable, une autre alternative consiste à se tourner vers le recyclage. La revalorisation des matières premières conduit à la création de nouveaux produits innovants et ne participe pas à l’augmentation de la pile des invendus. L’upcycling permet par exemple à l’entreprise WeTurn de fabriquer du fil à partir de tissus logotés ou de chutes. 

Enfin, le don bénéficie à des personnes dans le besoin. En France, 1,7 million de femmes ne disposent pas de protections hygiéniques en quantité suffisante et 3 millions de personnes font l’impasse sur les produits d’hygiène de base par faute de moyen. Favoriser le don permet d’agir concrètement pour venir en aide aux familles et aux individus en situation de précarité. 

L’Agence du Don en Nature œuvre dans cette direction depuis sa création en 2008 en redistribuant aux personnes démunies les invendus collectés auprès des entreprises, des industries et de la grande distribution. Ainsi, cette association développe un projet de plateforme logistique consacré à l’économie sociale et solidaire. Associée à Generix Group et Pôle Euralogistique, elle a par exemple mis en place un entrepôt-école modèle où l’ensemble des flux est géré par du personnel en réinsertion professionnelle.

Ces dispositions s’appuient cependant sur une « optimisation » du cycle de vie des produits déjà fabriqués. Pour mettre en œuvre un véritable changement, il convient de remettre en question nos procédés mêmes de fabrication. Au-delà de la mise en place d’une production raisonnée, revoir notre manière de créer est essentiel pour réduire le gaspillage à la source et agir durablement, particulièrement dans les secteurs influencés par des tendances comme l’industrie textile.

La nécessité d’instaurer des logiques d’économie circulaire pour réduire le gaspillage.

Les conséquences de la loi anti-gaspillage sur la supply chain

1. Le besoin de piloter les stocks

Si nous considérons l’origine du problème des invendus, nous devons immanquablement porter notre attention sur la gestion des stocks. Une visibilité insuffisante sur l’état de votre inventaire cause déjà des risques d’invendus. De même, un manque de coordination entre les lieux de production, de stockage et de vente peut générer des décalages importants, entraînant des ruptures ou à l’inverse des surstocks.

Cette réalité est d’autant plus d’actualité lorsque la chaîne logistique implique plusieurs maillons à l’échelle internationale. En conséquence, les entreprises vont avoir tendance à surproduire ou surstocker pour pallier les éventuels risques d’acheminement. Or, le pilotage des stocks de manière plus fine permet de limiter ces problématiques. 

Pour cela, l’analyse de la data révèle toute son importance. Elle possède un rôle structurant qui va permettre d’aligner la production en fonction des besoins clients et des contraintes de la supply chain en prenant en compte toutes les données :

  • délai et capacité de production ;
  • saisonnalité de la demande ;
  • évolution des modes de consommation ;
  • typologie de commandes ;
  • constitution du panier moyen ;
  • capacité des entrepôts ;
  • délais transport
  • etc.

Synchroniser et donner de l’intelligence à ces données permet d’optimiser la supply chain et ainsi de réduire le gaspillage.

2. La nécessité d’instaurer des logiques d’économie circulaire

Adapter sa logistique à l’économie circulaire revient à appréhender sa chaîne logistique sous un double prisme environnemental et économique. Cette démarche vise notamment à :

  • prendre en compte le cycle de vie du produit de la conception à l’élimination ;
  • imaginer de nouveaux schémas de transport, aussi bien pour les trajets allers que retours ;
  • considérer les canaux de retour (collecte, tri, contrôle, traitement et remise en état/réutilisation…).
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Bien qu’elles soient génératrices de valeur, les opérations logistiques qui s’intègrent dans un fonctionnement circulaire peuvent entraîner des coûts supplémentaires à ne pas négliger. Nous vous donnions plus de détails à ce sujet dans notre article consacré à l’économie circulaire et à ses impacts sur la supply chain.

3. Une nouvelle gestion des retours clients et des invendus

Poussées par une prise en compte croissante de l’environnement, et parfois génératrices d’économies pour les consommateurs, les habitudes de consommation évoluent vers une économie de l’usage, favorisant la revalorisation/réutilisation des produits et les modèles locatifs.

Certaines entreprises proposent déjà ce type de modèle – parfois depuis de nombreuses années :

  • RépareSeb, un lieu qui agit pour l’économie circulaire et solidaire en réparant du petit électroménager tout en contribuant à l’insertion professionnelle de personnes éloignées de l’emploi.
  • Patagonia qui valorise la conservation de son équipement non seulement en partageant de précieux conseils en vidéo, mais aussi en garantissant un service de réparation gratuit à vie. En cas de matériel irréparable, l’entreprise s’engage à trouver une solution alternative.
  • Veja a créé un espace consacré à la réparation et au recyclage de ses baskets végan, tout comme les paires d’autres marques. Dans cette boutique, les seuls modèles proposés sont des prototypes jamais lancés, des exemplaires d’anciennes collections ou des chaussures affichant des défauts minimes. Sachant que les invendables représentent 1 000 à 2 000 paires chaque année, cette solution est inspirante.
  • Heykazoo offre un service de location d’appareils électroménagers sans contrainte de durée. Un abonnement mensuel permet d’essayer plusieurs produits et d’en changer à loisir. Et si un ustensile vous plaît particulièrement, vous pouvez procéder à son achat à prix d’occasion.

Ces propositions évoquent des applications concrètes d’un modèle solidaire et durable. Les nouvelles réglementations de la loi anti-gaspillage encouragent des initiatives similaires. Est-elle pour autant suffisante ?

Que penser de cette loi anti-gaspillage ?

Bien que la loi anti-gaspillage valorise l’importance d’une production raisonnée et durable, elle présente néanmoins quelques limites. En effet, même si le recyclage reste une option attractive, il n’en demeure pas moins que de nombreux produits ne correspondent pas aux critères de recyclabilité. Or, s’il n’existe pas une solution de recyclage avérée, alors les entreprises pourront se tourner vers la destruction des invendus. 

Par ailleurs, l’incitation de cette mesure à distribuer massivement les invendus à des associations caritatives représente une proposition positive. Cependant, le don de marchandises ne suppose pas un changement profond du système. Ainsi, la surproduction n’est pas fondamentalement limitée. 

 

L’interdiction de destruction des invendus non alimentaires qui s’inscrit dans la loi anti-gaspillage et économie circulaire matérialise une avancée vers un changement de modèle, même si elle ne suffit pas en soi. Pour qu’elle révèle toute son efficacité, elle se doit d’être accompagnée d’évolutions profondes concernant notre manière de concevoir, de vendre, de stocker et de transporter nos produits.

 

Sources 

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